Loi Pouvoir d'achat : du pouvoir d'achat au pouvoir de vivre

La décennie qui s’ouvre est décisive, car les dégâts seront pour certains irrémédiables si nous ne changeons pas le cours des choses maintenant. Nous pensons qu'il est possible de sortir de la crise actuelle en reconstruisant autrement notre société, en redonnant à chacun le pouvoir de vivre et d’agir à toutes les étapes de notre vie.
Notre conviction est que la solution impose aujourd’hui d'allier l’écologie, la justice sociale et la démocratie. Notre conviction est qu’il est possible d’améliorer la vie quotidienne des citoyens tout en préparant un nouveau modèle dans lequel chacun devient acteur de sa propre destinée et de celle du pays.
Depuis plusieurs années, les crises environnementales, sociales et démocratiques se superposent et s’entretiennent les unes avec les autres. A ces crises structurelles se sont ajoutées des crises conjoncturelles : crise sanitaire et crise économique liée notamment, mais pas seulement, à la guerre en Ukraine.
En quelques mois, l'inflation atteint des niveaux inédits depuis plusieurs décennies. En France comme ailleurs, elle s’est traduite par une forte diminution du pouvoir d’achat, en particulier sur des postes de dépenses essentiels (nourriture, énergie… voir ici sur le site de l'INSEE.
Que ce soit pour se nourrir, se déplacer ou encore pour se loger, de nombreux ménages ressentent pleinement les effets de cette situation économique dans leur quotidien. Si cette conjoncture est défavorable pour tous, elle l’est d’autant plus pour les plus précaires.
Quelques chiffres (2021, source FAP), en France métropolitaine :
- 9,2 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté ;
- 4 millions de personnes résidant en France étaient mal-logées, parmi lesquelles plus d’un million sont privées de logement personnel et 300.000 sont privées de domicile fixe;
- 8 millions de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire pour raisons financières;
- 12 millions de personnes sont en situation de précarité énergétique
Loi pouvoir d’achat : Des mesures nécessaires mais insuffisantes…
Pour faire face à cette situation, le gouvernement a présenté le 7 juillet dernier un projet de loi Pouvoir d’achat qui vise à aider les ménages à faire face à la hausse de l’inflation. La prolongation du bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité, l’indemnité carburant pour les travailleurs aux revenus modestes contraints de prendre leur voiture ou encore l’aide alimentaire exceptionnelle de 100 euros (+ 50 euros par enfant) vont permettre de soutenir temporairement de nombreux ménages confrontés à une hausse importante des prix des produits de première nécessité.
Ces aides sont les bienvenues, de même que les revalorisations de 4% des pensions de retraite,d’invalidité, des minima sociaux et des bourses étudiantes, ou encore la hausse de 3.5% des Apl. Toutefois, elles restent inférieures à l’inflation et bien en deçà des besoins, et ne permettront, pour de nombreuses personnes en situation de précarité, que de survivre. Certains seront même encore plus pauvres à la fin de l’année…
… et qui ne permettent pas de répondre efficacement aux enjeux sur le long terme
En dehors de la déconjugalisation de l’AAH annoncée par la Première Ministre, ces mesures ne fixent pas de cap clair, d’horizon précis pour la sortie de crise. Elles ne posent pas le cadre permettant de protéger durablement les ménages et les acteurs économiques de la crise, ni de rendre la société plus résiliente à terme. Il est donc nécessaire que les décisions prises dès aujourd’hui soient porteuses d’une vision politique et de mesures structurelles de long terme, notamment sur la revalorisation des salaires, la hausse significative des minima sociaux et des Apl, pour sortir de la précarité énergétique et alimentaire, pour l’accès à tous à une mobilité durable …
Les députés doivent se saisir des propositions du Pacte du pouvoir de vivre
Le Pacte du pouvoir de vivre appelle les députés à se saisir des propositions qu’il porte pour amender et enrichir ce texte. Certaines peuvent être intégrées au “paquet pouvoir d’achat” et d’autres sont à porter de manière complémentaire aux textes discutés.
Pouvoir de vivre dignement
Penser le pouvoir de vivre implique de réfléchir à plus long terme : il est indispensable de prendre des mesures de justice sociale afin de corriger les biais structurels de notre système social et économique, et donc de réduire les inégalités et de permettre à tous de vivre dignement.
Garantir un droit à l'effectivité des droits en luttant systématiquement contre le non-recours.
Conditionner les aides octroyées aux entreprises afin qu’elles augmentent les plus bas salaires dans les grilles de classifications des branches.
Pouvoir de vivre dans un logement confortable et économe en énergie
Selon l’INSEE, le logement occupe en moyenne 20% des dépenses des ménages en France, mais pour beaucoup parmi les plus précaires c’est 30% et parfois même 40%, voire plus de 50%. Une action de long terme pour préserver le pouvoir d’achat devra donc nécessairement aborder la question du coût du logement. Elle doit aussi être envisagée sous l’angle écologique, puisque l’immobilier est un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre (27% des émissions de GES en France sont issues du secteur du bâtiment). Ainsi, la rénovation énergétique des bâtiments est une des clés qui doit permettre de réduire les émissions polluantes et les dépenses en énergie des ménages.
Éradiquer les passoires énergétiques en investissant massivement dans la rénovation des logements.
Pouvoir se nourrir sainement
L’alimentation représente une autre part importante du budget des ménages(20% pour les plus précaires). L’aide alimentaire proposée dans la loi Pouvoir d’achat est un coup de pouce, qui doit s’accompagner de mesures plus structurelles notamment par le développement de la restauration collective. Avec 8 millions de repas servis chaque jour, elle est un levier puissant de réduction des inégalités, mais aussi d’évolution de nos systèmes agricoles et alimentaires locaux.
Généraliser la tarification sociale en restauration collective.
Investir massivement pour transformer la restauration collective et se donner les moyens de proposer des produits de qualité, frais, cuisinés et locaux à chacune et chacun à un coût abordable.
Pouvoir se déplacer
Le transport et les déplacements représentent près de 15% des dépenses des ménages en France. Prendre sa voiture n’est pas toujours un choix mais bien une contrainte pour nombre de personnes qui ne vivent pas dans des milieux suffisamment desservis par les transports collectifs ou permettant des alternatives à la voiture (comme le vélo). C’est pourquoi le Pacte soutient les aides d’urgences ciblées qui permettront à chacun de pouvoir se déplacer, notamment pour aller travailler. Le Pacte du pouvoir de vivre propose à moyen terme de :
Permettre de se déplacer en transports peu polluants, en renforçant l'accessibilité à un réseau de transports collectifs.
Mettre en œuvre un véritable plan de relance du ferroviaire en investissant 3 Mds€ supplémentaires par an jusqu’en 2030 dans les infrastructures prioritairement au niveau local.
Pouvoir d’une meilleure répartition des richesses
Le modèle de société que le Pacte du pouvoir de vivre appelle de ses vœux passe par un meilleur partage des richesses. Comment accepter par exemple que les entreprises qui gagnent beaucoup d'argent (160 milliards d’euros de bénéfices pour les entreprises du CAC 40 en 2021) paient si peu d’impôts ? Il faut que les entreprises contribuent à leur juste part au financement de notre modèle social et de la transition écologique.
Pour les petites entreprises, il faut les aider à mettre en place des mécanismes d'augmentation salariale pour que les salariés puissent faire face à l'inflation. Par ailleurs, le Pacte du pouvoir de vivre propose un impôt sur le revenu plus progressif que des impôts indirects, des revenus du capital taxés au même niveau que les revenus du travail. Mais aussi une tranche d'impôt supplémentaire pour les très hauts revenus.
C’est pourquoi le Pacte considère qu’il faut préparer l’avenir maintenant en :
Réformant l’impôt sur le revenu pour plus de justice sociale et en mettant en place une imposition rénovée sur les grandes fortunes pour réduire les inégalités.
Alignant la fiscalité du travail et du capital
Établissant une fiscalité carbone ambitieuse et juste en reversant ses recettes aux ménages modestes et au financement de la transition.
Le pouvoir d’achat et la transition écologique sont les deux faces d’une même médaille.
Le Pacte du pouvoir de vivre regroupe 65 organisations parmi les plus importants acteurs des solidarités envers les plus démunis, les migrants et les personnes vulnérables, de la protection de l’environnement, du monde étudiant, du monde du travail, de l’éducation populaire, de l’économie sociale et solidaire et de la mutualité. Les propositions présentées ici visent à répondre aux enjeux économiques et sociaux en permettant à chacun de disposer durablement des moyens pour subvenir dignement à ses besoins. Elles répondent aussi aux enjeux écologiques, car le pouvoir d’achat et la transition écologique sont les deux faces d’une même médaille. Une action dans un de ces deux domaines ne sera pleinement efficace sur le long terme que si le second est également pris en considération.