Qui peut croire que c’est un choix d’être pauvre et de ne pas pouvoir vivre dignement avec sa famille ?

Véronique Devise, Présidente du Secours Catholique (membre fondateur du Pacte du pouvoir de vivre) a présenté hier l'édition de son rapport pauvreté. Elle nous apporte son éclairage sur la situation des personnes les plus précaires.
En chiffres
- En 2020, 777 000 personnes ont eu besoin d'une aide ou d'un soutien vital
- La part des ménages rencontrés sans ressources financières a atteint 22 %
- Le niveau de vie médian est en baisse (537 euros) et largement en deçà du seuil d’extrême pauvreté (739 euros)
- 9 ménages sur 10 souffrent d’insécurité alimentaire
Le Secours Catholique est très investi auprès des plus fragiles. Constatez-vous une augmentation des personnes qui tombent dans la grande pauvreté, auxquelles vous venez en aide ?
À partir des situations rencontrées chaque jour par les équipes locales du Secours Catholique en 2020, notre rapport sur l’état de la pauvreté en France apporte un nouvel éclairage sur les vulnérabilités de notre société.
La pandémie a souvent aggravé l’intensité de la pauvreté déjà vécue. En 2020, la part des ménages rencontrés sans ressources financières atteint 22 %. Le niveau de vie médian est en baisse (537 euros) et largement en deçà du seuil d’extrême pauvreté (739 euros), ce qui se traduit par autant de privations.
Quand les revenus ne suffisent plus ou à peine à régler le loyer, la santé, les dettes, la pension ou quand il faut faire face à un imprévu (comme l’arrêt des cantines en 2020), on rogne sur la partie variable des dépenses, à commencer par l’alimentation et le chauffage. L’explosion actuelle des prix de l’énergie laisse d’ailleurs craindre le pire pour cet hiver.

En France, il existe des aides sociales dont peuvent bénéficier les plus fragiles. Sont-elles insuffisantes, et si oui, pour quelle(s) raison(s) ?
Toucher le RSA, l’aide au logement ou les allocations familiales, ce devrait être automatique. C’est ce que plaide le Secours Catholique pour lutter contre le « non-recours » aux prestations sociales, le fait que des personnes qui pourraient prétendre à des aides ne les perçoivent pas.
Le tiers des ménages éligibles ne reçoivent pas le RSA, le quart pour les allocations familiales. Les raisons de ce non-recours sont multiples : la nouveauté d’une situation pour une personne, l’absence d’information sur les droits possibles, l’incapacité de faire les démarches (manque de connaissance, fracture numérique) ... et honte. Car les personnes pauvres sont stigmatisées, jugées responsables de leur situation.
Alors même que les aides sont trop souvent insuffisantes et ne permettent pas aux bénéficiaires de vivre dignement.
Qui peut vivre dignement avec 540 euros/mois ? Qui peut croire que c’est un choix d’être pauvre et de ne pas pouvoir vivre dignement avec sa famille ?
Notre ambition c’est que le pouvoir de vivre permette à tous de vivre dignement. Avec les organisations du Pacte, nous considérons qu’il est primordial de revaloriser les minima sociaux et d’instaurer un revenu minimum garanti.
Quelles mesures d'urgence faut-il prendre pour leur venir en aide et lutter contre la grande pauvreté ?
Notre ambition c’est que le pouvoir de vivre permette à tous de vivre dignement. Or le niveau des minima sociaux ne permet pas d’assurer à chacun des « conditions convenables d’existence ».
Au Secours Catholique, avec le Pacte du Pouvoir de vivre, on considère qu’il est primordial de revaloriser les minima sociaux et d’instaurer un revenu minimum garanti. Cette mesure pourrait lutter contre la pauvreté et assurer à terme des ressources d’au moins 50% du niveau de vie médian.
Sans oublier les jeunes ! La pandémie a montré combien les jeunes sont démunis face aux crises. Les revenus qu’ils peuvent recevoir de leurs parents, quand ceux-ci ont les moyens de les soutenir, ou de leur travail peuvent leur permettent de se maintenir la tête hors de l’eau, mais dès qu’une crise arrive ils basculent dans une très grande précarité.
Nous demandons un véritable revenu garanti pour les jeunes en difficulté et une augmentation des bourses pour les étudiants afin qu’ils puissent étudier sereinement et tout simplement se nourrir convenablement.
A plus long terme, quelles sont les mesures nécessaires pour sortir ces personnes de la grande pauvreté ?
Le pouvoir de vivre pour nous c’est le pouvoir de vivre bien en société, ensemble, c’est chercher à ce que les voix de tous et toutes soient entendues, à commencer par les plus pauvres.
C’est ensemble, avec les personnes concernées par la précarité, qu’il faut construire un monde meilleur, trouver des solutions pour que tous puissent vivre dignement.
Au Secours Catholique, nous croyons à la co-construction à partir des plus pauvres. Si on continue d’élaborer des projets sans les personnes concernées, c’est inefficace socialement, économiquement et démocratiquement.
Il faut travailler ce vivre-ensemble dont on parle tant mais qui n’est pas assez pratiqué. C’est par la rencontre que l’on dépasse ses préjugés et que l’on peut se mettre à l’écoute et construire des solutions pérennes. En tous cas, nous, nous veillerons à ce que les candidats entendent la voix des plus pauvres et j’espère qu’ils seront entendus.
Quel rôle peut jouer l'alliance du Pacte du pouvoir de vivre dans l'élaboration de politiques publiques permettant de lutter contre la grande pauvreté ?
Un rôle essentiel ! La diversité des acteurs de cette alliance est un atout majeur : organisations de lutte contre la pauvreté, organisations engagées dans la transition écologique et la défense de l’environnement, syndicats, fédérations, mutuelles de santé, organisations de l’économie sociale et solidaire ou de l’éducation populaire.
Les acteurs se mettent ensemble pour penser les grands défis de la justice sociale, de la lutte contre la pauvreté, de l’écologie et de la transition écologique et d’une société plus démocratique, plus vivante.
Parce que nous le savons tous : ce n’est qu’ensemble que nous pourrons faire face aux défis sociaux et écologiques actuels et à venir.
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