Assurer une garantie d'emploi contre le chômage de longue durée, mise en œuvre dans les territoires
Une garantie d’emploi territorialisée doit permettre à chacun.e de nous de trouver un travail, particulièrement quand nous sommes en situation de chômage de longue durée.
Grâce à une mobilisation massive de différents outils (renforcement important de l’insertion par l’activité économique, déploiement et pérennisation de Territoires zéro chômeur de longue durée, financement de nombreux contrats aidés dans le secteur non-marchand), la garantie d’emploi permettra, en plus de garantir un emploi à toutes les personnes qui en sont durablement privées, de répondre à des besoins non couverts mais pourtant indispensables à notre société, notamment dans le domaine de la transition écologique et du soin au sens large (« care »).
Contexte
Force est d’admettre que l’économie de marché dans son fonctionnement actuel ne produit pas en qualité et en quantité les activités nécessaires pour assurer à tous le droit à l’emploi et que les politiques de lutte contre le chômage n’ont pas permis d’éradiquer le chômage de longue-durée. Notre pays compte environ 2,8M de personnes privées d’emploi depuis plus d’un an, ce qui représente près de la moitié des demandeurs d’emploi de catégorie A, B et C. La privation durable d’emploi détruit économiquement, professionnellement, mais aussi socialement les personnes concernées comme leur entourage et fragilise l’ensemble du tissu économique et social.
Ce phénomène a un coût exorbitant pour les personnes concernées, confrontées à une exclusion sociale durable, et pour la société, du fait non seulement du soutien financier versé à ces personnes privées d’emploi (dépenses directes d’assurance chômage, autres dépenses sociales comme le RSA) mais aussi de la diminution de la consommation et de la perte de recettes publiques induites (cotisations sociales, impôts) ainsi que des coûts sociaux indirects du chômage. Selon ATD Quart Monde, le chômage d’exclusion coûterait ainsi 36Md€ par an à la puissance publique.
Pourtant, permettre à toute personne qui en est privée d'obtenir un emploi est possible. En effet, il existe aujourd’hui de nombreux travaux utiles et besoins non-couverts par le secteur marchand dont la satisfaction serait source de progrès pour la société dans son ensemble, qu’il s’agisse de besoins liés à la transition écologique et à la protection de l’environnement ou dans le domaine du lien (« care » : accompagnement du handicap et de la perte d’autonomie, prises en charge autour de la petite enfance, accompagnement social, etc.). Le déploiement de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée montre que 51% des travaux non délocalisables développés sont liés à la transition écologique. Ce n’est donc pas le travail qui manque, ce sont bien les emplois
Objectifs et mise en oeuvre
Le droit d'obtenir un emploi est inscrit dans notre Constitution et il doit être un des piliers de notre système de protection sociale. Si l’emploi ne protège pas toujours de la précarité, garantir un droit effectif à l’emploi demeure l’un des premiers leviers pour lutter plus efficacement contre les situations de pauvreté (8% des personnes en emploi vivent dans un ménage en situation de pauvreté monétaire contre 38% des chômeurs et 17% des salariés en contrat court).
Pour cela, il est proposé d’instaurer une garantie d’emploi territoriale, ciblée sur les personnes privées durablement d’emploi. Si l’assurance chômage conserve toute son utilité pour assurer un revenu de substitution et faciliter les transitions professionnelles, l'émergence d’une assurance emploi, assurant le financement du droit à l’emploi pour toutes celles et tous ceux qui en sont privés permettrait de construire une nouvelle page de notre protection sociale. Reposant sur le volontariat et l’adhésion de demandeurs d’emploi eux-mêmes, la garantie d’emploi n’est pas un emploi imposé qui conditionnerait l’accès à certaines aides sociales, et notamment les minima sociaux dont la nécessité doit par ailleurs être réaffirmée. Afin de redonner un horizon aux personnes durablement privées d’emploi, l’objectif serait de fournir un CDI aux personnes s’engageant dans la démarche. La garantie d’emploi n’est pas un énième dispositif de lutte contre le chômage : elle affirme de façon renouvelée la responsabilité qu’a la société de fournir un emploi à ceux qui en sont privés.
Toutefois, il ne s’agit pas ici de faire de l’Etat un « employeur de dernier ressort » selon une logique descendante, mais de promouvoir une politique financée nationalement et gouvernée localement, s’incarnant par la mobilisation massive de dispositifs existants (ex: insertion par l’activité économique) et à créer (ex: nouveaux territoires zéro chômeurs de longue durée).
Plutôt qu’un dispositif unique, la garantie d’emploi doit être pensée comme un « parapluie », mobilisant de façon ambitieuse différents leviers dans le cadre d’une dynamique territoriale renouvelée, bénéficiant de financements renforcés grâce à l’activation des dépenses passives d’indemnisation du chômage (une partie des 40Md€ de budget de l’assurance chômage), la réorientation de crédits actuellement alloués aux bénéficiaires de minima sociaux (une partie des 11Md€ consacrés au RSA) et de nouveaux financements justifiés au regard du coût du chômage de longue durée pour la société, ceci afin à permettre la création des emplois nécessaires pour répondre aux besoins des personnes privées durablement d’emploi et aux enjeux propres de chaque territoire.
Concrètement, si les emplois susceptibles d’être occupés dans ce cadre devront répondre à un cahier des charges national définissant les conditions liées à la qualité de l’emploi, la rémunération minimale, la durée indéterminée du contrat ou la complémentarité de l’emploi ainsi créé, les emplois eux-mêmes seraient identifiés au sein de chaque territoire par tous les acteurs susceptibles d'être concernés par la mise en œuvre de ce droit réunis au sein d’une structure dédiée (ou du comité local pour l’emploi solidaire s’il existe sur le territoire) : personnes privées d'emploi, société civile, entrepreneurs, institutions et structures accueillantes doivent être acteurs de cette garantie de l’emploi et participer à sa gouvernance. Cette approche pragmatique, au plus proche des besoins des territoires, permettra de s’assurer que les emplois ainsi créés, d’une part, ne se substitueront pas à des emplois existants et, d’autre part, répondront à des besoins identifiés localement.
Si cette création d’emplois ne pourra se faire du jour au lendemain, une montée en charge ambitieuse de la garantie d’emploi est possible, sous réserve d’y dédier les moyens suffisants. La généralisation d’un telle garantie s’appuiera notamment sur le renforcement massif de l’insertion par l’activité économique ; le déploiement et la pérennisation de Territoires zéro chômeurs de longue durée ; le financement de nombreux contrats aidés dans le secteur non-marchand, le secteur marchand étant exclu pour éviter des effets d’aubaine.
Au-delà de ces financements nouveaux, la dynamique territoriale créée autour de la garantie d’emploi permettra la mobilisation du secteur privé et favorisera également la création d’emplois dans le secteur marchand. A cette fin, les différents dispositifs de soutien à l’ingénierie et d’aide au diagnostic de territoire évoqués pour la constitution des comités locaux pour l’emploi solidaire (cf. fiche dédiée) pourront être mobilisés afin d’accompagner les territoires dans cette démarche.
Enfin, si elle est ciblée sur les personnes privées durablement d’emploi, la garantie d’emploi n’exclut pas le développement de politiques consacrées à d’autres publics (jeunes, séniors, etc.) déclinées au niveau de chaque territoire dans le cadre des comités locaux pour l’emploi solidaire.