Instaurer un droit à la connexion
Difficile d’imaginer une inclusion dans la société contemporaine sans accès à internet. Ce dernier a d’ailleurs été reconnu comme un droit par le biais de la loi pour une République numérique votée le 7 octobre 2016. L’efficacité d’un tel droit reste limitée s’il ne repose que sur des considérations techniques.
Un droit à la connexion qui réponde à des exigences universelles
Le Pacte du pouvoir de vivre soutient un droit à la connexion qui réponde à un certain nombre d'exigences universelles qui dépasse le seul accès théorique au réseau internet : une formation initiale et continue à son utilisation, un accompagnement efficace, une aide financière, une connexion à un coût abordable, des sites internet et des applications adaptés, une identité numérique simple et sécurisée.
Constats
Le numérique est maintenant présent partout et en particulier dans les liaisons internet qui ont tendance à se développer de plus en plus. Ce développement du numérique est inéluctable et il évolue très rapidement. Il a de nombreux avantages en particulier pour le partage des connaissances mais il risque d’exclure un grand nombre de personnes.
La crise sanitaire et les confinements ont montré l’importance de notre dépendance au numérique : télétravail, école à la maison, commerce en ligne (« click and collect »), formalités administratives, réseaux sociaux.
Ces formalités administratives et sociales (relations avec l’administration fiscale, la CAF, la CPAM, Pôle Emploi et autres) se font de plus en plus exclusivement par internet. Le gouvernement prévoit une dématérialisation progressive de toutes les démarches administratives d’ici 2022. Certaines personnes, peu habituées à l’informatique, craignent, en remplissant elles-mêmes un dossier, qu’une erreur puisse les exclure d’un droit. Elles ont également peur que les informations qu’elles donnent ne restent pas confidentielles.
Tout le monde n’a pas la possibilité de se connecter facilement pour différentes raisons : inaptitude pratique, difficulté d’accès à un ordinateur, mauvaise couverture d’internet, coûts, etc...
Tout ceci contribue à développer les inégalités en raison, en particulier, de décrochages scolaires, de non-recours, d’absence de liens sociaux, etc..., liés à la difficulté ou l’impossibilité de se connecter. Et donc de créer de nouvelles exclusions.
Trois droits de nature différente
Ce droit à la connexion ne correspond pas seulement à la possibilité d’accéder à un réseau mais implique beaucoup plus d’exigences, en amont et en aval : ce droit est indivisible et repose sur trois droits de nature différente :
Un droit à l’accompagnement et la formation pour chaque citoyen
-
Une formation initiale d’autant plus nécessaire que les personnes concernées sont en difficulté en particulier pour la lecture et l’écriture. Cette formation initiale doit être assurée dès l’école.
-
Une formation continue, avec mises à jour régulières, dans la mesure où les techniques informatiques évoluent rapidement et où chacun a besoin de se familiariser aux différentes plateformes en particulier des services publics et des services sociaux.
-
Un accompagnement efficace avec des conseillers numériques eux-mêmes bien formés. Le gouvernement a annoncé fin 2020 le lancement d’une opération visant à recruter et à former 4.000 conseillers numériques dans les Espaces France Services. Il avait également lancé en février 2020 le déploiement d’un « Pass numérique » donnant aux bénéficiaires le droit d’accéder, dans des lieux préalablement qualifiés, à des formations et des services d’accompagnement numérique. Ces deux initiatives mériteraient d’être développées.
Un droit à l’investissement dans le numérique
-
Une aide financière pour l’acquisition du matériel indispensable : ordinateur et/ou smartphone, avec les fonctions indispensables.
-
Un accès au réseau internet, ce qui implique une couverture de qualité de l’ensemble du territoire.
-
Une connexion à un coût abordable avec éventuellement un tarif social identique à celui qui existe pour le téléphone fixe.
-
La reconnaissance en produit de première nécessité de tels équipements ou services
Une proposition de loi à suivre ?
Une proposition de loi visant à instituer un droit à la connexion opposable a été déposée le 5 avril 2022 (en fin de législature précédente), renvoyée à la Commission des affaires économiques.
Un droit à la sécurité numérique
-
Des sites internet et des applications adaptés avec une ergonomie simple et des formulaires faciles à remplir, conçus en « Facile à lire et à comprendre ».
-
Une identité numérique simple, sécurisée et sécurisante. Le développement des coffres forts numériques pourrait permettre de maintenir la confidentialité des documents produits.
Rappelons que la loi pour une République numérique reconnaissant l’accès à internet comme un droit a été votée le 7 octobre 2016. Mais son efficacité reste malheureusement limitée.
Une présence humaine demeure absolument indispensable
Enfin et surtout, il faut insister sur le fait que tout droit à la connexion ne peut être envisagé au détriment du maintien d’une présence humaine dans les administrations et les services sociaux. Cette présence humaine demeure absolument indispensable ne serait-ce que pour maintenir un accompagnement le plus individualisé possible et rassurer. Beaucoup de situations sont trop complexes pour rentrer dans des cases informatiques.
Les Espaces France Services ont un rôle capital à jouer en particulier pour assurer cet accompagnement individualisé.