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Elise Naccarato : “La protection de la population face au risque climatique doit être une priorité des pouvoirs publics”

S’il faut tout faire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et tenir le cap de l’accord de Paris, la question de l’adaptation de la société au changement climatique en cours se pose. Comment préparer la France à un possible réchauffement de 2,7 degrés d’ici à 2050 et de 4 degrés d’ici à 2100 ? Le gouvernement a dévoilé en mars son troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC-3). Composé de 52 mesures concrètes, il vise à répondre aux enjeux d’adaptation des territoires. Pour Elise Naccarato, responsable du plaidoyer et des campagnes climat à Oxfam France, il n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques et sociaux. 

La Ministre Agnès Pannier-Runacher a rendu public le contenu du plan national d’adaptation au changement climatique. Que retenir de ce plan ?

Avec plus d’un an de retard, le Gouvernement a enfin présenté son PNACC-3… et malheureusement c’est une coquille vide ! Nous constatons que l’État abandonne sa mission première de protéger la population – et en premier lieu les plus vulnérables – face aux effets du changement climatiques qui s’intensifient déjà sous nos yeux : inondations, sécheresses, canicules, cyclones…Au lieu de répondre aux besoins urgents d’adaptation du pays, le gouvernement persiste dans l’inaction. Toujours pas de stratégie ambitieuse, toujours pas de financements supplémentaires pour faire face à la crise. Pire encore, ce plan ignore totalement les inégalités de vulnérabilité entre les territoires et les personnes, creusant un peu plus les injustices climatiques. On ne peut pas se contenter d’un énième plan sans moyens : il est temps d’exiger de vraies décisions et des actions concrètes !

 
Que manque-t-il pour assurer une protection des populations face au changement climatique en cours ? 

Deux points nous frappent particulièrement dans ce plan : il n’est pas opérationnel et pas financé. Sur les financements, on assiste à un bricolage budgétaire dangereux. Le gouvernement prévoit de financer le PNACC-3 par des fonds qu’il vient tout juste de supprimer : par le fonds Vert, par exemple, amputé de 1,4 milliard d’euros, soit de 56 % de son budget, ou encore par le plan Haies, venant de subir une coupe de 59 %. Par ailleurs, le fléchage de 260 millions d’euros du Fonds vert vers l’adaptation est une annonce dangereuse, car le gouvernement tente ainsi de financer l’adaptation au détriment de l’atténuation. Or la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre doit être la première brique des politiques d’adaptation pour permettre effectivement de protéger la population.

Par ailleurs, la mise en œuvre du PNACC-3 n'est, à ce stade, pas assurée. Le gouvernement ne présente aucun objectif précis, défini dans le temps et à la hauteur de l’enjeu. De nombreuses mesures consensuelles et urgentes sont repoussées à des échéances imprécises ou lointaines. A titre d’exemple, en 2024, les chaleurs toujours plus intenses dans les salles de classe ont perturbé les cours de 217 346 élèves. Au lieu d’aménager des espaces de rafraîchissement dans les écoles, comme demandé par ailleurs par l’Assemblée nationale, le PNACC-3 annonce seulement qu’une « réflexion sera engagée sur l’éventualité d’une obligation de mise en place de salles rafraîchies ». Nous ne sommes plus à l’étape de la réflexion, il faut désormais passer à l’action ! 
 

Quelles sont les prochaines étapes ? Les enjeux politiques à venir ?

Il est urgent d’améliorer ce plan, de le rendre opérationnel, contraignant et financé. Surtout, il faut adresser un angle mort des politiques d’adaptation : les inégalités. Les femmes, les personnes âgées, les enfants et les plus pauvres sont les plus vulnérables aux risques climatiques. En ne prenant pas en compte ces vulnérabilités différenciées, on risque de les renforcer encore, par exemple entre des collectivités qui peuvent s’assurer ou non ou des personnes qui ont les moyens de rénover leurs logements ou pas. Les inégalités face aux risques climatiques se creusent aussi entre les territoires. Les Outre-mer, en première ligne – comme l’a encore prouvé le cyclone Chido à Mayotte – sont complètement oubliés dans ce plan. Rien n’est prévu pour financer les solutions pourtant connues et efficaces : moderniser les réseaux d’eau potable pour lutter contre la sécheresse, protéger les terres ravagées par l’érosion…Comme le rappelle Oxfam dans son dernier rapport sur le sujet, mais aussi le Haut Conseil pour le Climat, la protection de la population face au risque climatique doit être une priorité des pouvoirs publics.


Lire le rapport d’Oxfam sur l’adaptation au changement climatique