La très attendue loi d’orientation agricole, présentée comme une réponse à la détresse des agriculteurs, poursuit son parcours législatif au Sénat avant un vote final décisif prévu mi-février. La Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) - membre fondateur du Pacte du pouvoir de vivre - dénonce des reculs majeurs qui menacent la biodiversité et notre santé sans pour autant répondre aux vrais enjeux des agriculteurs. Avec de nombreuses organisations qui l’ont rejointe, la Fondation lance une pétition pour demander aux parlementaires de revenir à l'esprit initial de la loi.
Stéphanie Clément-Grandcourt, Directrice générale de la FNH, nous explique pourquoi il est encore possible - et nécessaire - d’agir.
La Fondation pour la Nature et l’Homme est très mobilisée autour de la Loi d’Orientation Agricole en discussion au Sénat. Peux-tu nous expliquer pourquoi cette loi est si problématique ?
La Loi d’Orientation Agricole aurait pu être une formidable opportunité pour renforcer une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. Malheureusement, le texte actuel, tel qu’il a été modifié par les amendements au Sénat, représente une véritable régression. Un exemple aberrant : les objectifs de développement des surfaces en agriculture biologique ont été purement et simplement supprimés ! La loi pourrait aussi favoriser la réintroduction de pesticides très dangereux, comme l’acétamipride, un insecticide tueurs d’abeilles, interdit en France depuis 2018, également liés à des maladies graves chez l’être humain comme certains cancers ou problèmes de neurodéveloppement chez le fœtus. Qui peut accepter cela ?
Pour la Fondation, abandonner ces objectifs revient donc à sacrifier l’avenir de nos écosystèmes et de notre santé…
Oui car supprimant toute ambition en matière de réduction des pesticides et en favorisant un modèle agricole intensif, nous mettons en péril la santé des sols, celle des agriculteurs et de l’ensemble de la population. Par ailleurs, nous savons que l’agriculture biologique est une solution durable : elle protège la biodiversité, permet d’être plus résilient face au dérèglement climatique, de protéger le bien-être animal, de créer de l’emploi en milieu rural .
Vous dites qu’en plus ce texte ne permettra pas de sortir les agriculteurs et agricultrices de l’impasse, pourquoi ?
L’esprit initial du texte était de fixer un cap clair à l'agriculture française pour aider à l'installation de nouveaux paysans et leur donner les moyens de lutter contre le dérèglement climatique et l'effondrement de la biodiversité. Or en l’état, il n’apporte aucune solution viable à ces deux objectifs.D’un côté, on parle d’aider les agriculteurs, mais de l’autre, on les enferme dans des pratiques qui détruisent les sols, les rendent dépendants de pesticides coûteux, les rendent malades, les empêche de vivre dignement de leur métier et les privent de toute possibilité de transition. En favorisant un modèle productiviste et intensif, le nombre d’exploitations et d’agriculteurs va encore se réduire quand il faudrait renouveler les générations…Pourtant, de nombreux agriculteurs veulent produire autrement, mais ils ne pourront jamais le faire si l’État ne leur en donne pas les moyens.
Que faire pour empêcher cela ?
Nous mobiliser, et vite. Une pétition, initiée par la FNH, est en ligne pour demander aux parlementaires de revenir à l’esprit initial de cette loi. Nous devons rétablir les objectifs de développement de l’agriculture biologique et définir une trajectoire claire de réduction des pesticides. Chaque signature compte. Il est encore temps d’agir, mais le temps presse. Les citoyens doivent se faire entendre. Nous ne pouvons pas laisser passer une loi qui va à l’encontre de l’intérêt général, sacrifiant la nature et les générations futures. Ne fermons pas les yeux en pensant que nous ne pouvons rien faire.