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Anne Bringault : "Il faut montrer à quel point l’écologie est bénéfique pour toutes et tous"

Budget drastiquement restreint, attaques juridiques et médiatiques, remise en cause de l’utilité de ses acteurs : l’écologie est mise à mal. Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat, membre fondateur du Pacte du pouvoir de vivre, nous explique pourquoi et comment réagir.  

Avec environ 4,5 milliards d’euros de moins que le budget 2024, l’écologie est la grande perdante du budget 2025. Quelles seront les conséquences de ces coupes budgétaires ?

Tout d’abord il faut avoir en tête qu’une trajectoire de hausse des financements est nécessaire pour réaliser la transition écologique. De nombreuses études en attestent comme le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz qui chiffre à 63 milliards d’euros les besoins financiers supplémentaires d’ici à 2030 pour respecter nos objectifs climatiques, dont environ 30 milliards d'euros de financements publics.
Avec les coupes budgétaires, on ne respecte pas du tout cette trajectoire et les conséquences seront nombreuses. Les émissions de gaz à effet de serre sont déjà reparties à la hausse au troisième trimestre 2024 et cette politique budgétaire n’est pas seulement grave pour le climat.
Il faut se rendre compte des effets très concrets sur le pouvoir d’achat des ménages : la baisse du budget du chèque énergie et des crédits sur MaPrimeRénov' vont freiner la rénovation des logements et davantage de ménages vont donc rester dans un logement mal isolé avec des factures importantes. Le budget restreint freinera aussi la transition vers des transports moins polluants et accessibles pour les ménages aux bas revenus.

Le rôle de plusieurs agences publiques de mise en œuvre de la transition écologique (Office français de la biodiversité, ADEME, Agence bio) a récemment été remis en cause. Comment comprenez-vous ces attaques ? 

Ces attaques, qui sont souvent menées par l’extrême droite mais aussi par la droite - ce qui est extrêmement inquiétant - véhiculent l’idée que ces organismes coûteraient cher pour un rôle minime. Ce n’est pas vrai. S’agissant de l’ADEME, par exemple, son financement est destiné à plus de 90% aux subventions aux entreprises ou aux collectivités et un audit élogieux de l'Inspection générale des finances réalisé l’an dernier confirmait sa bonne gestion et conseillait même de créer de nouveaux postes. En réalité, ce qui se cache derrière ces attaques, c’est une attaque contre la transition écologique en sapant le travail de ces acteurs. Elles s’ajoutent aux attaques contre la commission nationale du débat public ou encore à celles à l’encontre des associations et de leurs sources de financement. Ces évolutions démocratiques sont pour nous extrêmement inquiétantes.

Cette remise en cause des politiques en faveur de la transition écologique se ressent aussi au sein de l’Union européenne...

Oui, on l’a très clairement senti monter au moment des élections européennes et, avec les nouveaux équilibres au sein du Parlement européen, cela monte en puissance. Ce ne sont pas toujours des attaques globales à l’encontre du Pacte vert mais ça se fait par petites touches : dès que l’on aborde les enjeux agricoles ou encore récemment sur le reporting social et environnemental des entreprises. La France a demandé des “simplifications” ce qui est souvent le terme utilisé pour cacher des reculs. Aujourd’hui, dans le contexte international que nous connaissons, beaucoup s'inquiètent de la compétitivité que l'écologie fragiliserait mais la transition écologique est stratégique à bien des égards. Elle permet notamment de préserver notre souveraineté européenne en sortant de notre dépendance aux énergies fossiles. 

Comment lutter efficacement contre ces tendances de fond ? 

Je pense qu’il faut montrer à quel point l’écologie est bénéfique pour toutes et tous. Elle permet de se chauffer en dépensant moins, de mieux s’alimenter, elle améliore la qualité de l’air…L’écologie rend le monde plus vivable et permet de construire un avenir plus enviable où l’on détruit moins les milieux naturels et la biodiversité. Il faut ramener le débat sur tout cela et dépasser le cliché de l’écologie normative. 
Dans cette optique, les élections municipales de 2026 peuvent constituer un moment fédérateur pour montrer que la transition écologique peut être menée de manière juste. L’extrême droite attise les colères sur l’écologie mais la réalité est bien différente. Par exemple, les ménages modestes en milieu rural ne se qualifient peut-être pas d’écolo mais ils le sont bien souvent dans leurs pratiques (faire son potager, acheter local, réparer plutôt que de jeter). Il faut mettre tout cela en avant et montrer que c’est extrêmement important d’aller dans ce sens, c’est le sens de l’histoire.