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Jean Merckaert : “ Il est des investissements auxquels il serait plus coûteux encore de renoncer, au vu du coût prévisible des dérèglements climatiques”.

  • Jean MERCKAERT

Diplômé de science-po, juriste et titulaire d’un Master en Development Studies, Jean Merckaert a été rédacteur en chef de la revue Projet de 2010 à 2018. Il est actuellement Directeur Action Plaidoyer France Europe au Secours Catholique Caritas-France.


Le sondage IPSOS-PPV - effectué dans le cadre des élections européennes - montre que les Français.es se projettent dans le projet de société du Pacte du pouvoir de vivre et place les questions environnementales et sociales au coeur des priorités de la prochaine mandature européenne.

Dans son plaidoyer pour l’Europe, le Pacte du pouvoir de vivre exhorte l’Union européenne à investir massivement dans les alternatives à la voiture et offrir des solutions concrètes de mobilité durable à chacun à un coût abordable, quel que soit son lieu de vie. Cela pourrait prendre notamment la forme d’une mise en place d’un abonnement unique permettant de prendre le train (hors train à grande vitesse) et les transports en commun dans son pays.

Cette proposition est soutenue par 85% des Français qui sont toutefois 46% à ne pas la juger réaliste. Nous avons demandé à Jean Merckaert, du secours catholique, un éclairage sur ces chiffres.

Que t’inspirent ces chiffres ?

Deux choses me frappent. D'abord l'adhésion à cette proposition du Pacte du pouvoir de vivre, ce qui traduit à la fois l’attrait pour les transports en commun, mais aussi l'insatisfaction quant au système actuel de billetterie et de tarification, peu lisible, peu cohérent, parfois trop cher pour les petits budgets. Aujourd’hui, il existe ainsi près de 42 cartes d’abonnement régional au TER, sans compter les abonnements nationaux ! Les bénévoles du Secours Catholique constatent une méconnaissance des solutions de mobilité existantes, sans doute liée à un défaut de communication mais aussi à la complexité et au manque d'articulation des offres des collectivités et des opérateurs (cartographie du réseau, itinéraires, horaires…). Les transports fonctionnent en ligne et pas en réseau, les correspondances ne sont pas systématiques et l’information sur l’offre n’est pas coordonnée entre différents opérateurs et différents modes.

Le second élément marquant, c'est l'écart entre ce qui est jugé réaliste et ce qui est jugé souhaitable. Cet écart renvoie à une perte assez profonde de confiance en la capacité du politique à agir, mais aussi, de façon conjoncturelle, au contexte budgétaire contraint, et au contexte électoral où les sondages placent en tête des forces politiques qui n'incarnent pas la perspective d'une transition écologique juste.

En quoi cette proposition portée par le Pacte du pouvoir de vivre est-elle réaliste ?

Observons d'abord que si 46% ne jugent pas la mesure réaliste, cela signifie que 54% pensent le contraire ! Et ils ont bien raison. La mise en place d’un abonnement unique pour l’ensemble de l’offre de transport du quotidien, quels que soient l’opérateur et le mode de mobilité permettrait d’apporter de la lisibilité et d’encourager le report modal. Et donc de rendre l'intérêt de l'action européenne très concret pour le quotidien de tous les citoyens, y compris les plus modestes. Le succès du billet unique en Allemagne montre tout l'intérêt du dispositif.

Et même si l’heure semble être aux économies budgétaires, il est des investissements auxquels il serait plus coûteux encore de renoncer, au vu du coût prévisible des dérèglements climatiques. Le réalisme, c'est de regarder le défi écologique en face et de le relever avec une exigence d'accessibilité aux services essentiels pour toutes et tous. Les fous furieux sont ceux qui prétendent qu'on peut attendre pour agir.

En outre, de nombreuses pistes de ressources sont mobilisables, comme le montrent nos propositions en matière fiscale, à commencer par le fonds social pour le climat, déjà doté de 86 milliards d’euros sur la période 2026-2032, mais qu'il faudra élargir au secteur du transport, et augmenter pour que le train de la transition ne laisse aucun ménage européen à quai.

“ Cet écart [entre souhaitable et réaliste] renvoie à une perte assez profonde de confiance en la capacité du politique à agir.”

— Jean Merckaert, Directeur Action Plaidoyer au Secours catholique