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Handicap : les 20 ans d’une loi qui aurait dû tout changer

Nous célébrons cette semaine le vingtième anniversaire de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui instaure notamment l’obligation d’accessibilité dans les lieux et les transports publics. Cette date aurait dû être l’occasion de détailler les nombreuses avancées réalisées ces vingt dernières années mais la réalité est bien différente, comme nous l’explique Pascale Ribes, présidente de l’association APF France handicap, membre du Pacte du pouvoir de vivre. 

On entend souvent parler de la loi de 2005 comme d’une révolution dans l’appréhension du handicap, pourquoi cela ? 

La loi du 11 février 2005 a marqué un tournant historique en France car elle a posé le principe fondamental de l’égalité des droits et des chances, de la participation et de la citoyenneté des personnes en situation de handicap. Elle repose sur deux piliers essentiels :

  • L’accessibilité universelle, qui vise à lever tous les obstacles pour que chacun puisse se déplacer, étudier, travailler et vivre de manière autonome.

  • Le droit à la compensation, qui garantit un accompagnement individualisé à hauteur des besoins de chaque personne, à travers des aides techniques, humaines, ou des aménagements de logement et de poste de travail….

L’ambition de cette loi est de considérer les personnes en situation de handicap comme des citoyens à part entière et non comme des objets de soins. En agissant simultanément sur l’environnement et sur les besoins spécifiques des individus, elle devait permettre une pleine inclusion dans la société.

20 ans après son entrée en vigueur, quel bilan en tirez-vous ? 

Le bilan est amer. Si cette loi était ambitieuse, son application a été largement insuffisante et parfois même sabotée par d’autres réformes.

L’accessibilité, qui devait être garantie dès 2015, est un échec : 50 % des établissements recevant du public restent inaccessibles et les transports ne permettent toujours pas à chacun de se déplacer librement. La loi ELAN a même réduit l’obligation d’accessibilité des logements neufs à 20 % seulement, une véritable régression.

Dans le domaine de l’éducation, l’école inclusive demeure une promesse non tenue : des milliers d’enfants sont privés d’école ou ne bénéficient pas de l’accompagnement nécessaire. Seuls 20 % des enseignants sont formés à accueillir des élèves en situation de handicap.

Enfin, le droit à la compensation, pourtant clé de voûte de cette loi, reste un parcours du combattant : la prestation de compensation du handicap (PCH), destinée à couvrir l’ensemble des besoins des personnes en situation de handicap est insuffisante, entraîne des restes à charge élevés et pousse de nombreuses personnes à renoncer à des aides essentielles (aide à domicile, aides techniques, adaptation du logement…).

Dans un contexte de restrictions budgétaires, qu’attendez-vous des pouvoirs publics ? 

Les droits fondamentaux ne sont pas une variable d’ajustement budgétaire. Ce ne sont pas des « dépenses supplémentaires », mais des mesures de justice sociale pour garantir l’égalité des droits et corriger des inégalités qui n’auraient jamais dû exister.

Nous attendons des pouvoirs publics un engagement fort et des mesures concrètes, notamment :

  • Des sanctions effectives contre les établissements et entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’accessibilité et d’inclusion.
  • L’abrogation de l’article 64 de la loi ELAN, qui a réduit l’accessibilité des logements.
  • Un véritable plan d’urgence pour l’accompagnement, avec un recrutement massif et une revalorisation des professionnels de l’aide et du soin.
  • Une revalorisation des aides et allocations pour garantir un niveau de vie digne aux personnes concernées.

L’État doit assumer sa responsabilité et respecter ses engagements en matière de droits humains. Nous n’accepterons plus que la loi de 2005 reste une coquille vide. Il est temps d’agir.