Publications

Mobilité et zones à faibles émissions : les solutions pour conjuguer santé, climat et justice sociale

SANTÉ mobilités

La mise en place des zones à faibles émissions (ZFE) s’accélère, notamment grâce à la loi d’Orientation des Mobilités (LOM) puis la loi Climat. Ces zones interdisent progressivement l’accès à certains véhicules selon leur motorisation et leur première année de mise en service (vignettes crit’Air). En 2025, 44% de la population française sera concernée.

Leur mise en place répond à un enjeu de santé publique majeure. En France, 48 000 personnes meurent tous les ans à cause des pollutions aux particules fines. Or les populations les plus pauvres sont aussi les plus vulnérables à la pollution de l’air, d’une part parce qu'elles sont souvent plus exposées et d’autre part parce qu'elles ont moins de possibilité de s’extraire de ces zones polluées.

A Paris, les habitants les plus pauvres risquent 3 fois plus de mourir d’un épisode de pollution que les habitants les plus riches (Deguen et al, 2015).

Faire participer systématiquement les familles vivant en situation de grande pauvreté

Sur la mobilité comme sur les autres dimensions de la transition écologique, il est essentiel de faire participer systématiquement les familles vivant en situation de grande pauvreté pour bénéficier de leur savoir-faire et prendre les décisions qui ne se retournent pas contre elles concernant les politiques d’adaptation et d’atténuation des crises écologiques.

Par ailleurs, la mobilité du quotidien est construite autour de la voiture individuelle. En plus des conséquences sanitaires, cette dépendance a des conséquences lourdes sur :

  • Le climat : le transport pèse pour 30% des émissions de GES et la voiture en est responsable de la moitié.
  • Les inégalités sociales : pour 9 millions de français la voiture devient un piège lié à une trop forte dépendance et induit de nombreux renoncements (à l’emploi, la santé...).

Les ZFE ont cristallisé les oppositions depuis le début de l’année. Leur mise en place est nécessaire mais elle doit être pleinement organisée et planifiée. Elle doit aussi être articulée avec des mesures de justices sociales.

Une tarification unique et attractive : Pour un ticket mobilité durable

Pour le Pacte du Pouvoir de Vivre, il est nécessaire d’instaurer en France un ticket mobilité durable permettant aux citoyens d’accéder à l’ensemble de l’offre de transport collectif. Concrètement, il s’agit de mettre en place une formule d’abonnement aux transports collectifs régionaux en s’inspirant de ce qui a déjà été mis en place en Allemagne et dont les premiers retours d’expériences confirment la pertinence environnementale et sociale.

Alors que les initiatives de tarification innovantes se multiplient dans les pays européens pour rendre plus accessibles les transports collectifs, le ministre des Transports, a annoncé vouloir rendre opérationnelle la mise en place d’un ticket unique pour les transports en commun sous deux ans. Au-delà de la faisabilité technique, la question de son accessibilité et de son efficacité est centrale. Afin de répondre aux enjeux de mobilité du quotidien, cette formule d’abonnement pourrait prendre la forme d’un ticket mobilité durable mensuel permettant d'accéder à l’ensemble de l’offre de transport en commun et de train du quotidien (TER et Intercités). L’abonnement serait disponible auprès d’une autorité organisatrice de la mobilité et se présenterait sous la forme QR code présentable en cas de contrôle. La différence entre le coût actuel de l’abonnement de transport et le coût de cette offre serait compensée par l’Etat.

Afin de s’assurer que ce ticket mensuel soit accessible à toutes et tous tout en en limitant le coût financier pour l’Etat, il est proposé d’introduire deux tarifs distincts. Un tarif de 60€ pour les personnes en emploi, qui serait ramené à 30€ après prise en charge par l’employeur de la moitié des frais de transport en commun. Un second tarif, plus faible voire gratuit, pourrait être proposé à l’ensemble des personnes hors emploi, y compris aux personnes sans titre de séjour qui bien souvent travaillent mais ne conduisent pas.

Renforcer le malus au poids des véhicules pour plus de justice sociale et climatique

Le Pacte du Pouvoir de Vivre propose de renforcer le malus au poids des véhicules pour plus de justice sociale et climatique. Il s’agit de rééquilibrer la mise en place des ZFE par l'élargissement du malus au poids. Aujourd’hui appliqué aux véhicules de plus de 1800 kg, nous proposons de le ramener à 1300 kg étant donné que la moyenne du poids des SUV est de 1300 kg.

S’il n’est pas réservé aux ZFE, le malus poids permettrait malgré tout de rééquilibrer la balance de justice sociale et de créer une recette nouvelle permettant de financer l’accompagnement des populations précaires les plus touchées par les ZFE. A terme, il pourra être utile de voir comment faire évoluer la vignette Cirit’Air pour intégrer un critère poids.

En effet l’acceptabilité sociale des ZFE est une donnée essentielle de leur mise en place. Pour cela, il faut plus de justice et notamment sur les véhicules autorisés ou non à entrer dans les zones.

Par exemple un SUV Crit’air 1, véhicule lourd donc très émetteur de gaz à effet de serre, acheté il y a 5 ans ne sera pas concerné par les ZFE avant 2030 au plus tôt alors qu’une petite voiture légère de 2010 diesel sera potentiellement concernée en 2025.

Donc d’un point de vue sanitaire, le SUV est considéré meilleur mais il est plus impactant pour le climat. Un SUV consomme environ 15% de plus qu’une voiture standard. Les SUV ont constitué, ces 10 dernières années, la 2ème source de croissance des émissions de CO2 françaises, selon le WWF France.

Poursuivre les investissements dans les alternatives à la voiture

Ce chemin de transition vers un autre modèle de mobilité nécessite le développement massif et durable des investissements dans les transports collectifs ainsi que le vélo. L’annonce par Elisabeth Borne d’un plan d'investissement de 100 milliards d’euros d’ici 2040 est une bonne chose.

En revanche, le ferroviaire n’est pas la seule alternative qu’il faut développer. Il serait nécessaire de planifier l’ensemble des investissements sur le quinquennat, notamment via l’économie sociale et solidaire, avec :

  • Un soutien financier de 2,5 milliards d’euros pour accélérer le développement des transports en commun, soit un financement annuel de 500 millions d’euros sur 5 ans.
  • Un nouveau plan national vélo doté d’un budget d’investissement de 3 milliards d’euros sur le quinquennat (hors budget d’investissement des collectivités) pour garantir un développement rapide et homogène du vélo sur tout le territoire.