Le 19 mars, le Sénat adoptait à l'unanimité une résolution pour que plus aucun enfant ne dorme dans la rue. Le texte appelle à une amélioration des conditions d'accueil et une augmentation des places d'hébergement pour les enfants sans-abri. Si le chemin est encore long pour faire de ce texte une réalité, Nathalie Latour, directrice générale de la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), nous détaille pourquoi ce texte est important face aux enjeux et les prochaines étapes de ce combat.
Quel est le constat aujourd’hui et quelles sont les urgences ?
Il y a urgence parce qu’on est à un niveau très élevé d'enfants sans solutions. Depuis 2023, ce sont environ 2 000 enfants, issus de familles qui appellent encore le 115, qui n’ont pas de lieux où dormir chaque soir. Ce chiffre est sous-estimé puisque le taux de non-recours au 115 est évalué à 70%. C’est un sujet très important pour trois raisons. D'abord car cette réalité n’est pas occasionnelle, ce n’est pas un cas isolé, elle est aujourd’hui bien ancrée. Ensuite on constate qu’il y a une forme d’acceptation de cette situation, pourtant inacceptable, par la société... Enfin ce sont des urgences sociales pour maintenant et pour demain : on observe tous les impacts dramatiques sur les enfants aujourd’hui mais cette situation aura de graves conséquences sanitaires et sociales sur les futurs adultes concernés.
Le Sénat vient d’adopter une résolution transpartisane pour mettre fin au sans-abrisme des enfants. En quoi ce vote est un premier pas important ?
C’est un pas symbolique mais important car la résolution a été votée à l’unanimité. Elle est également soutenue par plus de 160 député·es de manière transpartisane. C’est un sujet où le consensus politique est possible. C’est important pour le message général mais il faut aller plus loin. Cette résolution repose sur le principe du Logement d’abord, préconisant un accès direct au logement tout en garantissant un hébergement inconditionnel pour les situations de détresse pour lutter contre le sans-abrisme des enfants. Cela veut dire concrètement par exemple investir plus dans le logement social, arrêter de recourir à l’hôtel et soutenir des réponses en hébergement qualitatives avec des compétences professionnelles pour tenir compte des besoins des enfants. Ce texte est donc un point d’appui politique important pour notre plaidoyer.
Quelles sont les prochaines étapes politiques ?
Au prochain projet de loi de finances, nous demanderons aux parlementaires d’être cohérents avec cette résolution adoptée en mars quand il faudra voter les budgets en octobre. Actuellement le budget sur l’hébergement est insincère, c’est-à-dire insuffisant vis-à-vis du nombre de places inscrites dans le projet de loi. Il nous faut sortir de ce système qui nous fait perdre trop d’énergie et qui entraine une politique conjoncturelle instable alors que les besoins des publics et le manque de logement sont structurellement installés. Nous avons besoin d’une politique ambitieuse d’investissement dans le logement pour résoudre ces situations et travailler aussi sur d’autres projets de loi qui croisent ces enjeux, le respect des droits des enfants, la santé, la scolarité, l’accès à l’emploi, au séjour des personnes étrangères. Au-delà du consensus politique sur le “Zéro enfants à la rue” il faut voter des politiques structurelles de long terme pour protéger les enfants. C’est tout l’enjeu d’inscrire cette ambition dans la durée.