Actus nationales

Réforme du RSA : "c’est une mauvaise nouvelle pour le pays"

La loi pour le plein emploi de 2023 prévoit de mettre en place un “accompagnement rénové” des personnes allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) en conditionnant le versement de leur allocation à un minimum de 15 heures d’activité par semaine. Après une première phase d’expérimentation critiquable sur bien des aspects, cette réforme du RSA est désormais généralisée à tous les allocataires.

Lors de l’expérimentation, Marion Ducasse, coordinatrice d’Aequitaz membre du Pacte du pouvoir de vivre, a réalisé - avec ATD Quart Monde et le Secours catholique - un premier bilan de l’expérimentation qui alerte sur les conséquences d’une généralisation de cette réforme... dont l’exécutif n’a pas tenu compte.

Que retenez-vous de l’expérimentation nationale qui a été faite en 2024 ?

Cette expérimentation est un jeu de dupes. Elle s’est déroulée auprès d’un petit nombre d’allocataires avec des moyens supplémentaires qui ne seront ni reconduits ni généralisés en 2025. Les conclusions que l’on peut donc tirer de cette expérimentation n’éclairent en rien ce qui sera mis en œuvre en 2025. Notre attention devrait davantage être portée sur les  conséquences pour les allocataires de ce qui a été préparé depuis plusieurs mois par France Travail et les Départements concernant l’orientation, la mise en application des 15 heures et les sanctions. C’est cela qui va progressivement être mis en place et ce dans un contexte d’austérité budgétaire. 

Le Pacte du pouvoir de vivre est-il favorable à cette généralisation ? Pourquoi ?

Non, nous n’avons jamais soutenu cette loi depuis sa mise en débat à l’Assemblée en 2023. L’esprit qui y prédomine est le fruit d’une vision politique très différente de la nôtre car les personnes sans emploi sont vues comme les principales responsables de leur situation. Renforcer les engagements, les contreparties en heures et créer de nouvelles modalités de sanctions pour garder le RSA traduit bien cet état d’esprit de stigmatisation des plus pauvres.

Ce qui s’opère à bas bruit avec cette réforme, c’est une fusion progressive entre notre politique de solidarité – celle qui vise à sécuriser des moyens convenables d’existences à celles et ceux qui ne tirent pas de ressources par leur emploi (le RSA en grande partie) - et une politique de retour à l’emploi. Ce glissement est dangereux, car il revient à dire que la lutte contre la pauvreté ne pourrait être gagnée que si les gens retrouvent un emploi. Mais les faits sont là : nombre d’emplois sont mal rémunérés, dégradants et abîment celles et ceux qui les occupent ; les travailleurs pauvres sont nombreux et ne s’en sortent pas non plus; enfin, ça met de côté d’autres enjeux comme l’accès au logement, à un réseau de transport, à des solutions de garde d’enfants qui sont des moteurs du retour à l’emploi et sur lesquels les personnes n’ont aucune prise.

Nous ne sommes pas opposés à l’idée d’améliorer l’accompagnement des personnes, ce que prétend faire cette réforme, d’autant que ça a toujours été le parent pauvre du RMI puis du RSA. Mais cette réforme va passer à côté de l’avènement d’un vrai droit à un accompagnement de qualité accessible à toutes et tous faute de moyens supplémentaires. Nous sommes convaincus que de très nombreuses personnes déjà fragilisées par leurs maigres ressources ne seront pas mieux aidées ni sécurisées en 2025. C’est une mauvaise nouvelle pour notre pays. 

Quelles sont nos propositions pour les personnes au RSA ? 

Nous pensons qu’il faut sécuriser les personnes par un revenu minimum revalorisé à 900€ par mois. Survivre à 635€ par mois est indigne de la richesse de notre pays. Nous ne cessons de rappeler à nos dirigeants la violence de ce qu’on fait vivre à nos concitoyens les plus pauvres en n’investissant pas davantage dans la solidarité. 

Nous disons également qu’il faut davantage faire confiance aux gens et lâcher la pression des suspensions de droit et des contrôles, qu’il faut diminuer les contreparties, fluidifier les transactions administratives et abolir les sanctions. Il faut renoncer à cet arsenal de contrôle social qui abîme les personnes, les infantilise et in fine aggrave le non-recours aux droits. 

Vivre uniquement avec le RSA n’est une fin en soi pour personne. C’est une évidence et il n’y a personne à convaincre de cela, sûrement pas les premiers concernés ! Par contre, nous avons la responsabilité de proposer des voies de sortie qui soient dignes, et à défaut, de continuer à protéger nos concitoyens des conséquences dramatiques de la pauvreté. 

Voir aussi le replay du webinaire : RSA Conditionné : premier bilan, premières alertes.