[LETTRE OUVERTE] Projet de loi Plein Emploi : passons d’une logique de défiance à une logique de confiance

Mesdames les députées, Messieurs les députés,


Alors que les signes d’une aggravation historique de la pauvreté se multiplient sous le choc de l’inflation et des effets insuffisants du plan pauvreté, vous discutez aujourd'hui et ces prochains jours du projet de loi pour le plein emploi. Voilà un objectif qui pourrait rassembler. Pourtant, plutôt que de favoriser des pistes innovantes qui bénéficieraient d’un large consensus, comme le fait de renforcer le droit à l’emploi avec notamment des garanties d’emploi territorialisées ou la nécessité d’intégrer pleinement les enjeux de transition écologique, le projet de loi prend le risque de diviser avec une réforme en profondeur du RSA qui ne dit pas son nom. Il prend le risque d’aggraver la stigmatisation des allocataires, perçus comme devant être « remobilisés » ou « activés ». Pour le Pacte du Pouvoir de Vivre, cette stigmatisation permanente des plus pauvres est une impasse, ajoutant de la division à la division.


Dans ce projet de loi, cette stigmatisation prend deux aspects.


Le premier se cache dans la disposition visant à conditionner le RSA à des heures d’activités hebdomadaires. Ce type de conditionnalité n’a pas sa place pour ce qui est de respecter le préambule de la Constitution visant à “assurer des conditions convenables d'existence” à chaque citoyen et chaque citoyenne. Nos organisations vous demandent de supprimer cette obligation qui fait reculer le principe d’inconditionnalité du RSA que nous appelons de nos voeux.


Le second aspect tient au renforcement de la pression mise sur les allocataires. Le projet de loi crée notamment une nouvelle sanction de « suspension » du RSA, qui peut être décidée sans respect du principe du contradictoire. Dans les faits, cela signifie qu’on ne permet pas à la personne susceptible d’être sanctionnée d'être reçue en rendez-vous pour échanger sur sa situation  parfois pour un simple rendez-vous manqué. Au risque de fragiliser encore plus les personnes dans la pauvreté et le non-recours. Cette approche par la sanction n’est pas tolérable. Le projet de loi Plein emploi doit renoncer à de nouvelles sanctions et au contraire sécuriser les allocataires.


Au contraire de ces mesures, qui montrent une forte méconnaissance des situations vécues par les personnes concernées en tendant à faire porter la responsabilité de la pauvreté et du chômage sur les plus pauvres, le Pacte du Pouvoir de Vivre appelle à un RSA comme socle de base, inaliénable, et non comme le résultat d’un parcours du combattant. Il faut inverser la logique en cours.


Nous appelons ainsi à mettre en œuvre un triple droit.


1. Le droit à l’emploi en le rendant effectif notamment en renforçant l’accessibilité de tous à des emplois dignes et de qualité, la lutte contre les discriminations au travail, les structures de l’Insertion par l’Activité Économique, les initiatives comme Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, et d’aller vers une garantie d’emploi territorialisée….


2. Le droit à un revenu minimum garanti, permettant à chacun d’assurer des « conditions convenables d’existence », engagement gravé dans le préambule de la Constitution française depuis 1946. Rendre accessible ce droit pour les personnes de moins de 25 ans.


3. Le droit à un accompagnement pour permettre aux personnes en précarité de saisir de nouvelles chances et de développer leurs compétences, dans un contexte sécurisé et bienveillant. Cela passe par la mise en place de moyens humains et financiers à hauteur de l’ambition.


Mesdames les députées, Messieurs les députés, au nom de notre solidarité nationale et de la réduction des inégalités qui se creusent dans notre pays, nous vous demandons d’éviter les politiques qui divisent et de vous engager dans des politiques qui rassemblent et protègent, en particulier les plus fragiles.

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