Actus nationales

La sanction RSA : “un contrôle social totalement intrusif” pour Isabelle Doresse

Nouvelle étape dans la conditionnalité du RSA. Après la généralisation de l’expérimentation en janvier, la ministre du travail a annoncé qu’un “décret sanction” sera publié “autour de la fin mars” pour une application prévue en juin. En totale opposition avec cette évolution qui met à mal la dignité des personnes, ATD Quart Monde, membre du Pacte du pouvoir de vivre, lance une pétition contre ces sanctions et promeut un autre modèle que nous détaille Isabelle Doresse, vice-présidente d’ATD Quart Monde et co-rédactrice du premier bilan sur les expérimentations RSA


Pourquoi cette nouvelle étape dans l’évolution du RSA vous révolte-t-elle ?

Depuis l'instauration du RSA, les personnes sont déjà soumises à beaucoup de contraintes et de sanctions potentielles : tout changement familial et apport financier réduit par exemple le montant de leur allocation. Par ailleurs, certains départements imposaient déjà des obligations spécifiques comme la recherche d’emploi et un parcours de soin.
La loi plein emploi a amené de nouvelles obligations avec  la transformation du “contrat d’engagement réciproque”  en “contrat d’engagement” : la responsabilité de l’Etat est effacée et l’allocataire devient la seule personne responsable de sa situation. Ce contrat d’engagement impose aux personnes de rechercher un emploi et donc de s’inscrire à France travail, de suivre une formation et de respecter les valeurs républicaines. Via le décret sanction, son non-respect pourra désormais entraîner une réduction ou suspension de l’allocation. Aux 15 heures d’activité obligatoires depuis le 1er janvier, qu’ATD Quart Monde dénonce, s’ajoute donc désormais la sanction dite de remobilisation. L’argument est de dire qu’en punissant les gens, on va les remobiliser dans leur recherche d’emploi. Or c’est totalement contraire aux études et à ce qui est observé dans les autres pays dont l’Allemagne qui vient de faire marche arrière sur cette approche, comme le pointe le CNLE dans son rapport sur les sanctions.
Ce “décret sanction” attendu dans les prochains jours va vraiment très loin dans le déni des droits humains et du respect de la dignité des personnes. 

Vous lancez une pétition contre ces sanctions. Qu’attendez-vous de cette mobilisation ?

Que ce système de sanction ne soit pas mis en place. Il s’agit d’un contrôle social totalement intrusif qui vise à faire rentrer tout le monde dans des cases. La sanction c’est le pire, c’est le droit qui se retourne complètement contre les personnes puisqu’il n’est plus émancipateur mais considère les personnes aidées comme des fraudeurs et des délinquants. L'État justifie ce décret sanction comme permettant un meilleur accompagnement mais cet accompagnement est centré sur le travail et ne prend en compte ni la réalité des personnes en situation de pauvreté, ni leurs problèmes (santé, logement, stress…) ni leurs compétences personnelles ou leurs aspirations. Selon nous, l’objectif, non assumé, d’une telle vision, c’est la radiation des personnes afin de limiter le coût du RSA. On l'observe d’ailleurs déjà dans certains départements. Pourtant, “le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence” est garanti par notre Constitution. 

Quelles évolutions politiques attendez-vous ? 

Nous militons pour la mise en œuvre d’un réel accompagnement, à l’opposé de celui tourné vers le contrôle et la standardisation des situations. Il faut mettre la personne au cœur du dispositif, partir de ses besoins, de ses aspirations, l’aider à s’émanciper et valoriser ses compétences personnelles (la résilience, l’adaptation, etc.). Il s’agit de déployer un accompagnement global, pas uniquement centré sur l’emploi. Les exemples historiques le prouvent : une bonne politique de lutte contre la pauvreté soutient la politique de l’emploi et non l’inverse. Par ailleurs, le sort des personnes ne peut pas être décidé par un seul agent, comme c’est le cas à France Travail dans certains départements. Enfin concernant l’emploi, il faut développer d’autres voies comme le modèle des Territoires zéro chômeur de longue durée qui part des besoins du territoire et des aspirations des personnes.  

 

Signer la pétition d’ATD Quart Monde